Après ces jours passés en discussions, lectures, rapports et réunions, Zidjinn fut heureux de se retrouver à cheval sur les sentiers. Le temps était effectivement splendide. C’était une de ces journées de fin d’automne où l’ultime reste de chaleur estivale et le premier froid de l’hiver s’équilibrent à la perfection. L’herbe était fauve et rousse. Les dernières feuilles brillaient d’un éclat doré et orangé. Mais si le ciel apparaissait d’un bleu intense et inaltérable, les sommets montagneux étaient déjà couronnés de neige.
Un soldat le suivait avec un cheval de bât, car il fallait une demi-journée de chevauchée pour atteindre Salijun et il devrait sans doute
passer la nuit dans quelque auberge ou même à la belle étoile
- pour la dernière fois avant que l’hiver s’installe, se dit Zidjinn.
Un large fleuve bordé de rizières marquait la frontière entre la Vallée Impériale et la Montagne des Cigales, mais elle n’était pas gardée par des troupes nombreuses comme c’était le cas chez les Hiboux. Il n’y avait jamais eu de guerre entre les Cigales et l’Empereur.
Les eaux du fleuve étaient basses et tranquilles, même si l’on pouvait voir combien elles montaient lors des crues de printemps d’après le pont de bois qui les enjambait.
De l’autre côté du pont, Zidjinn aperçut le bosquet entourant le sanctuaire.
- Ca y est, je rentre chez moi, se dit Zidjinn.
Un cavalier l’attendait, comme convenu, dans le bosquet. Après avoir levé la main en guise de salut, il fit tourner son cheval sans prononcer un mot et s’éloigna au petit galop du fleuve et de la route, en laissant un paquet marqué du sceau bleu du clan des Cigales.
Le cavalier et les paquets étaient les seuls liens officiels qui reliaient Zidjinn et la famille Goldsmish.
Ce n’est pas pour rien qu’il porte le rôle de l’Ombre du vent.
Zidjinn n’avait aucun rapport à rapporter, tout se savait immédiatement grâce au nombreux réseau d’espion qui servaient la famille; cela lui permettait de souffler entre chaque mission et d’échapper à ces corvée fastidieuses.
Zidjinn décida de monter au sanctuaire. Et de se séparer de l’homme qui l’accompagnait. Il préférait goutter au plaisir d’un retour solitaire par la montagne.
Après avoir feint une pause le long du sentier, tandis que le soldat gardait les chevaux en attendant le retour du conseillé ; Zidjinn regarda l’homme d’un regard pénétrant. Les yeux de l’homme se voilèrent et un étrange sourire s’afficha sur le visage du soldat tandis qu’il remontait sur son cheval. Zidjinn émis un faible sifflement qui firent réagir les animaux.
Les chevaux agitèrent la tête, s’ébrouèrent et partirent au galop tel des vaisseaux poussés par le vent à la surface de la mer. Le vent cinglant faisait larmoyer le soldat et brouillait sa vision, mais quand les chevaux commencèrent à ralentir il se retrouva de l’autre côté de la rivière.
Zidjinn retint un sourire en pensant au soldat qui rentrerait chez lui sans souvenir de sa mission. Il aimait jouer avec les gens, c’était son passe temps favori.